court-métrage

LE VICE CACHE DES NAVAJOS

Le personnage de Frida souffre de "ptose palpébrale" à l'oeil gauche, une maladie atteignant la paupière supérieure, provoquant une dissymétrie du visage. Comme les véritables paupières de la comédienne Louise Szpindel sont parfaites, il fallait procéder à un trucage.
J'ai l'impression (un peu paradoxale) que sur un tournage, tout artifice est obstacle à la créativité. Et quand cela touche au visage du comédien, je deviens carrément inquiet. J'ai une aversion particulière pour les prothèses et postiches dans les films. J'aime l'idée qu'un plateau est une forêt artificielle, encombrée de projecteurs, de meubles vides et de cloisons creuses... mais qu'au milieu de tout cela, le corps du comédien, son visage, soit l'ultime résidu du vérité.

J'ai donc été déçu quand Laetitia m'a annoncé que la comédienne qui incarnerait Frida ne souffrait pas réellement de ptose, qu'elle n'allait pas "réellement" se faire opérer pendant le tournage, etc... Ma réaction était ridicule, comme si je découvrais que les cowboys ne meurent pas vraiment après s'être tirés dessus.

Une fois ma détresse dépassée, ce trucage a été finalement très intéressant car il a permis de replacer la question de la photogénie, thème central du film, au cœur de nos problématiques techniques.
Claude tombe amoureux de ce visage et de son "défaut". Il fallait donc qu'on voit la ptose de Frida, et pour être en empathie avec Claude, continuer pourtant de la trouver belle... Visible, mais pas ostensible. C'est donc également une question de mise en scène. Filmer le personnage de face, d'un ou de l'autre profil, dans l'ombre ou la lumière, visible ou caché, l'éclairant du côté gauche ou droit... toutes ces questions étaient déterminantes, car elles étaient plus que jamais l'immédiate traduction plastique de l'histoire qu'on narrait.

Grâce au travail conjugué d'un prothésiste (qui a fait une fausse paupière en latex), de la maquilleuse, de moi-même et de l'étalonneur, je pense que le résultat est à la fois crédible et sensible. Je serais curieux de connaître le trajet visuel du spectateur, à quel point son regard se focalise sur celui de Frida